L'article 35 de la nouvelle Constitution nous invite, pour la première fois, à autoriser ou non la prolongation de l'engagement de nos forces armées. Je me réjouis de cette nouvelle prérogative parlementaire, née de la réforme adoptée le 21 juillet dernier.
Chacun votera en conscience sur un sujet essentiel. Nous sommes tous déchirés entre notre passion de la paix et le coût de la paix. (M. le ministre de la défense approuve) Nous souhaiterions un Afghanistan en paix, acteur de son développement et maître de son destin. Hélas, nous en sommes loin. Que reste-t-il de la feuille de route confiée il y a sept ans par l'ONU à la coalition internationale ? L'Afghanistan n'est pas sécurisé : 8 000 personnes ont été tuées en 2007, dont 1 500 civils ; les talibans ont gagné du terrain et approchent de Kaboul ; les institutions ne sont pas stabilisées, l'État peine à s'imposer dans une société foncièrement tribale et féodale. Malgré nos efforts, l'armée afghane reste faible et mal perçue. Comment se satisfaire d'un PIB largement porté par l'opium et par les trafics d'armes financés par la drogue ?
Dans ce contexte, la France doit-elle poursuivre sa mission au sein de la Fias ? Pour nous radicaux, la démission n'entre pas dans notre conception de la raison. Certes, la compassion nous a gagnés depuis le terrible traquenard tendu aux troupes françaises le 18 août. Les démocraties sont-elles prêtes à payer le prix de la paix ? Oui, si la force s'accompagne d'une stratégie claire, responsable et périodiquement réaffirmée. Les Américains n'ont pas cherché à rétablir les droits de l'homme à Kaboul, ils ont seulement voulu extirper Ben Laden de son sanctuaire.
Nous pourrions baisser les bras et laisser au peuple afghan un peu de temps pour passer du Moyen-âge au XXIe siècle. Nous pourrions céder à la tentation de la démagogie, sachant les réticences de l'opinion publique. Nous pourrions donner raison à ceux qui spéculent sur notre supériorité morale parce qu'ils savent que nous accordons à la vie humaine un prix sans rapport avec leur fanatisme.
Nous pourrions faire le choix de la lâcheté et laisser nos amis américains se débrouiller… Ce serait une victoire médiatique facile et une défaite pour notre conception de la politique.
Deux éléments s'ajoutent au sombre tableau qui se dessine en Afghanistan : le Pakistan s'est doté de l'arme nucléaire, et le président Zardari a annoncé qu'il n'avait ni les moyens ni la volonté de s'opposer à la contamination de son territoire par le terrorisme et le fanatisme. L'attentat contre l'hôtel Marriott en est une démonstration éclatante.
Avons-nous ou non la volonté de nous opposer à cette montée des plus grands dangers ? Nous aurons à rendre compte aux générations futures de notre courage ou de notre démission. Les radicaux de gauche voteront la prolongation de l'intervention des troupes françaises en Afghanistan.
Mais pas à n'importe quelle condition. Si la France a des devoirs, elle a aussi des exigences. Nous les avons transmises, avec nos amis socialistes, au Président de la République, qui nous a répondu de manière bien évasive… Nous voulons un meilleur partage des responsabilités au sein de la coalition et une évaluation de notre engagement ; la relance d'un dialogue politique entre Afghans ; l'intégration d'autres pays à la coalition. Le Pakistan doit clarifier sa position, car les attaques transfrontalières se multiplient. Nous voulons enfin un calendrier sur les objectifs, afin de ne pas donner à l'opinion publique, ni au camp d'en face, le sentiment de l'enlisement. Notre vote positif est un vote de raison, nullement un blanc-seing au Président et à la majorité. Comptez sur notre vigilance.